Le jour où « ma vache est tombée sur des vestiges gaulois »
Adeline Yon Berthelot, 43 ans, est éleveuse de vaches limousines à Trébry (Côtes-d’Armor).
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Le 7 juin 2024, j’ai réalisé qu’il me manquait une génisse dès le matin. En tant que sélectionneuse, je connais bien mon troupeau qui compte 80 mères et la suite. Étonnamment, il n’y avait aucune clôture cassée. Je craignais qu’elle ne soit coincée dans un fossé ou dans un bosquet car la parcelle est très arborée. J’ai continué à chercher, à demander aux voisins. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que j’ai découvert un trou de 80 cm de diamètre au sol. Je me suis agenouillée. Et là j’ai aperçu Ukraine, ma génisse, morte. Je ne voyais que sa tête.
Sous le choc, je me suis mise à pleurer. Outre le coût financier, aucun éleveur n’aime perdre une de ses bêtes. Le trou paraissait profond de plusieurs mètres, il y avait comme un dôme. Une fois mes parents arrivés sur place, nous avons appelé la DDPP (1) pour savoir comment procéder et contacté notre maire. Mais intriguée par cette découverte, j’ai envoyé des photos à un cousin de mon mari historien. Il a tout de suite pensé qu’il pouvait s’agir de vestiges gaulois et nous a mis en relation avec le centre régional en archéologie de Rennes. Après avoir dégagé l’animal, les archéologues ont pu démarrer leurs recherches.
Les fouilles révèlent que la génisse est tombée dans un ancien puits d’accès d’un souterrain creusé entre 550 et 150 ans avant Jésus-Christ. Ces galeries servaient d’entrepôts pour stocker des denrées alimentaires. Les chercheurs ont trouvé deux salles et des poteries. La datation au carbone devrait permettre d’être plus précis sur la date. Plus de 2 000 ans d’histoire, cela me paraît fou !
Les cinq archéologues présents deux jours sur place ont été formidables. Ils nous ont fait participer à leurs travaux. Ils nous ont expliqué le fonctionnement des galeries, nous ont montré des croquis. Nous avons effectué des recherches sur internet pour en savoir plus. Nous avons vraiment vécu cette découverte en famille. Mes deux enfants, et mes neveux et nièces en ont pris plein les yeux. De quoi susciter des vocations.
Dès le départ l’archéologue m’avait prévenue : « Il n’y aura pas de trésor. » Une évocation qui a fait remonter pleins de souvenirs d’enfance. J’ai eu une pensée pour ma grand-mère décédée. Quand nous étions petites avec ma sœur et mes cousines, elle nous parlait toujours d’un trésor dans le manoir voisin que l’on pouvait découvrir grâce à un tunnel sous terre devenu au fil du temps, « le souterrain de mamie Élise ».
La perte de ma génisse reste une épreuve mais cela me réconforte qu’Ukraine ne soit pas morte pour rien. Elle a mis au jour un pan insoupçonné de l’histoire de notre territoire.
Direction départementale de protection des populations (ex-DSV)
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